Entretien de Sébastien Menesplier – Energies Syndicales n° 161 – Mars 2017

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« On ne va rien lâcher… »

A quelques jours du 6e congrès fédéral et alors que la mobilisation bat son plein, nous avons rencontré Sébastien Menesplier, secrétaire général adjoint de la FNME. Point de vue à chaud sur une actualité qui l’est également…

Les Mardis de la colère semblent s’être installés durablement dans le paysage revendicatif…

Sébastien Menesplier : Nous venons d’avoir un conseil général [les 15 et 16 mars] avec nos syndicats qui nous a justement permis d’aborder la situation sociale au travers d’un mouvement que l’on conduit depuis le début de l’année, avec entre autres trois journées de mobilisation intersyndicale. Et il y a bien sûr nos Mardis de la colère, depuis début février, qui se déroulent de manière progressive de la mobilisation jusqu’à la grève. Ce qui est remarquable ce sont toutes ces formes d’actions, pensées, imaginées et conduites partout dans le pays, que ce soit sur des sites de production, ou des boutiques d’EDF commerce, ou des sites de distribution, avec des interventions sur l’outil de travail… On trouve là beaucoup d’imagination et on voit la pression monter progressivement, de mardi en mardi.

C’est une manière un peu nouvelle d’agir et de se mobiliser ?

S. M. : D’une certaine façon, oui. Nos syndicats l’ont constaté lors du conseil général : en 2009, lorsque nous étions sur le printemps de l’énergie, nous sommes partis rapidement sur des grèves reconductibles. Aujourd’hui en revanche, tout en ayant conscience qu’il nous faudra un solide rapport de force pour gagner, tout le monde s’accorde à dire qu’il faut organiser la lutte dans la durée. Faire en sorte qu’il se passe des choses tous les mardis, et même entre deux mardis, sans forcément se mettre en grève. Il y a là une forme de coordination de la lutte, certes fédérée par la coordination fédérale, mais qui est aussi organisée de manière très intelligente et en toute responsabilité par les syndicats. C’est de très bon augure !

Je note par ailleurs la présence massive de jeunes dans ce mouvement, qui discutent entre eux de la manière de s’organiser et dont on voit la détermination.

Ces Mardis sont remarquables également en termes de convergences…

S. M. : Tout à fait. La convergence progresse dans notre fédération : alors même que les métiers et les entreprises sont différents, elle a lieu autour de nos actions et dans nos luttes. Aujourd’hui [21 mars] en est l’illustration. Ce mardi de la colère est un peu particulier car non seulement nous nous battons pour nos emplois et pour le SNB (salaire national de base), mais aussi et avant tout pour la sauvegarde de notre outil industriel et de nos services publics. Au travers du Printemps CGT de l’industrie (lire page 9) tel que l’a décidé la CGT dans une démarche confédérale, avec des Assises le 22 février dernier (lire Energies Syndicales n° 160), nous sommes sur une convergence de luttes. Dans laquelle nous FNME sommes totalement inscrits, en nous battant pour une politique énergétique digne du XXIe siècle, avec un service public qui réponde aux intérêts de la nation. Autant de bonnes raisons qui nous ont poussées à converger avec les manifestations et les rassemblements organisés par les UD (unions départementales) dans tous les territoires, autour de projets industriels élaborés par la CGT de manière interprofessionnelle.

Pour en revenir à nos mobilisations actuelles, notre point d’encrage revendicatif est le SNB. Son gel, tel que les employeurs l’ont acté, a provoqué une grande colère dans toutes les entreprises ! Surtout après les années de disette forcée, avec des taux de progression de 0,2 ou 0,3%… Ce gel total est inadmissible. Or le SNB, tout comme notre branche professionnelle des IEG, fait partie de notre ADN. Et l’on entend de plus en plus le discours patronal selon lequel la branche professionnelle serait désormais un lieu d’opposition voire de concurrence plus que de mise en commun… Ce n’est pas du tout l’avis de la CGT ! On voit bien que les employeurs sont dans une dynamique de mise en œuvre de la loi El Kohmri, loi scélérate que nous avons combattue pendant des mois. Pour ceux qui, dans les IEG, pensaient à l’époque que cette loi ne s’appliquerait jamais, en voila une application concrète.

La revendication autour du SNB n’est-elle pas également un « ciment » syndical important ?

S. M. : Lorsque toutes les organisations syndicales se sont rencontrées le 3 janvier, toutes ont dit : le gel des salaires est inconcevable, nos bases ne l’admettent pas et nous devons nous mobiliser. Voyant que le travail de mobilisation de la CGT portait ses fruits nous avons réussi à organiser trois journées d’action intersyndicale, avec des taux de grévistes très intéressants. Bien sûr, nous voyons les limites de l’intersyndicale… Les maigres avancées obtenues par la lutte et engrangées dans quelques entreprises font reculer certaines organisations syndicales. Sauf que la question du SNB n’est toujours pas réglée. Cela étant, nous avons une CPB (commission paritaire de branche) le 22 mars où nous réaffirmerons de manière commune notre demande d’ouverture de négociations autour du SNB. Et nous nous reverrons ensuite en intersyndicale, avec la l’éventualité de décider de suites à donner. Je pense que malgré ces limites l’unité syndicale est fondamentale : le personnel est en attente de ça. Au local, il est important que l’on se parle dans l’unité syndicale, même si parfois c’est difficile et conflictuel. L’élévation du rapport de forces passe par là : c’est incontournable. Sur le champ de la FNME, nous avons élaboré via notre Ufict (Union fédérale des ingénieurs, cadres et techniciens) du matériel spécifique qui s’adresse à l’encadrement. Et qui emploie des mots forts, à la hauteur de la colère qui est partout présente. L’encadrement doit se mobiliser et certains le font déjà. Nous sommes dans la convergence de la lutte, quel que soit l’emploi que l’on occupe. C’est vers les employeurs des groupes et entreprises, nos ennemis de classe, que nous devons axer notre bataille. Même si c’est compliqué sur certains sites entre les agents mobilisés et le management de proximité, les uns doivent convaincre les autres afin d’être plus nombreux dans cette lutte construite depuis le début de l’année, et dont on espère qu’elle nous mènera tous à gagner sur notre revendication commune qu’est le SNB.

Pendant ce temps, Nantes se rapproche…

S. M. : Dans cette actualité socialement chargée, on doit préparer notre congrès qui se tient dans moins de vingt jours [du 10 au 14 avril à Nantes]. Ce qui n’est pas une mince affaire… Nous avons deux priorités : la démarche revendicative – aujourd’hui dans la lutte – et préparer notre congrès. Oui, les syndicats ne se sont sans doute pas totalement imprégnés de tous les documents qui ont été produits. Mais nous leur avons donné une marge de manœuvre supplémentaire afin qu’ils puissent, jusqu’au premier jour du congrès, s’approprier les documents et proposer des amendements s’ils le jugent nécessaire. Nous aurons un congrès qui sera très certainement dans la dynamique de la lutte que l’on mène. Donc – et je l’espère – avec des débats passionnés qui nous permettront de nous projeter , pour les trois ans à venir, autour de revendications communes fortes. Je pense notamment à notre pôle public de l’énergie, associé à de véritables garanties collectives pour l’ensemble des énergéticiens : passons désormais à une phase concrète. Cela fait dix ans que l’on revendique ce pôle public, maintenant il va falloir se battre pour le gagner. Ce qui passera par des mobilisations, des actions et des confrontations. A quelques jours de l’ouverture des travaux de notre congrès, la pression monte. On va y arriver. On ne va rien lâcher…

Propos recueillis par Christian Valléry